23 décembre 2021
Je me réveille en sursaut, et je comprends immédiatement. Je regarde l'heure à mon portable : 3h48. Enormement de liquide chaud innonde le lit. C'est drôle, juste avant de me coucher, j'avais ajouté des alèses sous les draps que nous venions de changer. A croire qu'inconsciemment je savais... Je réveille doucement le papa. "Tu vas pouvoir te réveiller doucement, et nous allons partir". Alors qu'il s'inquiétait de savoir si c'était le moment chaque fois que je me levais au cours des nuits précédentes, cette fois-ci il peine à émerger et se demande si je lui fais une blague... Je lui indique que je vais prendre une douche, ce qui lui laissera le temps de rassembler ses esprits. Nous n'avons aucune raison de paniquer.
A 4h25, nous partons.
Nous arrivons à la maternité à 5h20.
A 5h45, la sage-femme m'indique que je suis à 2 doigts (quelle horrible image). Elle m'explique que nous allons faire un monitoring, qu'elle va me poser la perfusion et que je vais pouvoir aller marcher dehors pour favoriser le travail. Il fait un froid de canard et la perspective ne m'enchante guère. Les contractions deviennent douloureuses mais vraiment rien d'insurmontable, les douleurs de règles sont souvent pires.
A 5h57, alors que le monitoring est en cours, les contractions deviennent rudes. Très vite, je suis à la limite du supportable. J'en informe la sage-femme, car j'ai des étoiles dans les yeux et je commence à avoir la nausée. Elle semble penser que c'est normal et que tout va bien.
Elle peine à poser la perfusion, elle s'y reprendra à 3 reprises, 2 à gauche et 1 à droite... La pose (répétée) de la perfusion est vraiment douloureuse mais me distrait de la douleur infligée par les contractions.
Je commence à ressentir une forme de peur lorsque la sage-femme s'absente. La douleur est vraiment... prenante.
Lorsqu'elle revient et me voit, elle me dit qu'elle a un doute et que nous allons quand même vérifier où j'en suis. 5 centimètres. Elle me dit que finalement, je ne vais pas aller marcher mais que nous allons passer en salle de naissance, que le papa va pouvoir venir et qu'elle va appeler l'anesthésiste.
Je souffre atrocement, je ne parviens plus à penser. J'ai le sentiment de perdre la maîtrise de mon corps, de toute la situation. Lorsque je me retrouve seule dans la pièce, je ressens comme une panique m'envahir. Je sais que tout va bien et je ne suis pas inquiète, mais je ne contrôle plus rien et j'ai peur. A ce moment je me dis que jamais je n'aurai de deuxième enfant. Je pense aussi à notre chienne, que nous avions prévu de faire rapporter, et je me dis que non, nous ne sommes pas des monstres, nous ne pouvons pas lui infliger cela.
La sage-femme m'informe qu'à 11h30 max, tu seras née. Moi qui pensais que tu naitrais dans la soirée, voire le lendemain...
L'anesthésiste arrive rapidement, je ne sais plus si j'arrive à lui dire bonjour. Les contractions sont tellement rapprochées qu'il finit par poser la péridurale pendant l'une d'elles.
A 7h45 environ, la péridurale est posée et le produit est injecté. On me dit que je devrais me sentir mieux d'ici un quart d'heure voire une demi-heure. Le papa arrive à ce moment. Je fixe l'horloge. Je suis à 10 cm. Entre temps, il y a un changement d'équipe.
La nouvelle sage-femme revient me voir et me demande si je me sens mieux. Je lui dis que non, absolument pas. Elle m'explique que le travail est allé très vite et que de ce fait la péridurale ne rattrape pas ma douleur. Elle m'incite à appuyer à fond sur le bouton pour qu'un maximum de produit me soit délivré. Elle précise que nous allons attendre avant de pousser, pour que je sois soulagée et que je profite un minimum de cette fichue péridurale.
Nous attendons bien une heure je crois. Une heure au cours de laquelle on me demandera de signer la feuille pour l'état civil... franchement, je n'en ai plus rien à foutre du deuxième prénom à choisir. Le papa me dit qu'il faut que je signe, je lui dis que je m'en fous, que cela peut bien attendre, mais la sage-femme revient pour exiger ma signature. Franchement, à ce stade, j'aurais pu faire une croix. Y avait-il vraiment urgence ? Je n'ai rien lu, j'aurais pu signer n'importe quoi.
J'ai du mal à répondre aux questions que me pose le papa, lorsqu'il me touche ou me parle cela me stresse encore plus, je ne sais pas pourquoi. Un "chut" m'échappera... Je respire et je souffle comme on me l'a appris en prépa naissance ; ma main serre le drap très fort.
Aux alentours de 9h, on commence les poussées. La péridurale a fini par agir tellement bien (quel soulagement !) que mes contractions ne sont plus assez efficaces et qu'on m'injecte de l'ocytocine pour les faire repartir. Tu peines à passer, on me dit que je pousse vraiment très bien mais que tu sembles bloquer à un endroit. Au bout d'un moment l'avis de la gynéco est sollicité. Elle constate qu'en effet je pousse très bien et décide donc de continuer comme ça, elle conclut que si vraiment tu ne sors pas elle interviendra. Tant de personnes au-dessus de ma fouf meurtrie... A cet instant je n'y pense absolument pas.
Je pousse mais je me sens épuisée, la sage-femme et l'aide-soignante ont beau m'encourager autant qu'elles peuvent, je n'y arrive plus. J'ai tellement soif.
Finalement, nous y parvenons, j'y parviens. Et je suis impressionnée, une fois ta tête passée le reste du corps suit tout seul. Très vite nous entendons ton premier cri, et tu es posée contre moi. A 10h31, tu es née. Ton papa coupe le cordon, que je n'ai même pas le temps de voir..
A 10h41 arrive la délivrance (pour les nullipares - quel terme horrible - il s'agit de l'expulsion du placenta).
La sage-femme se rend compte, alors, que la perfusion a été mal posée : mon bras a triplé de volume. Elle me la repose de l'autre côté (bras gauche)... Je garderai des bleus énormes de ces poses de perfusion ratées...
La sage-femme me recoud, pas de trop gros dégâts apparemment, de toute façon je ne sens plus rien. Je vais être surveillée pendant plus de 2 heures très longues au cours desquelles je n'aurai toujours pas le droit de boire, et au cours desquelles la sage-femme appuiera plusieurs fois sur mon ventre - ça c'était bien douloureux aussi - geste qui sera reproduit une fois par jour durant mon séjour à la maternité...
Avec le recul, voici ce que je peux dire : mon accouchement ne s'est pas du tout passé comme on m'y avait préparée. C'est-à-dire que l'ouverture du col n'a pas duré "au moins 10 heures" mais seulement 2 ou 3, et mes contractions ne sont pas allées crescendo mais sont passées de presque rien à l'enfer sur terre. C'est allé tellement vite que je n'ai pu tester aucune des petites astuces qu'on nous avait donné pour surmonter la douleur. Pas de ballon, pas de douche chaude, pas de position. Pire que cela : la sage-femme puis l'anesthésiste m'ont demandé d'adopter des positions qui étaient encore plus difficiles à supporter.
C'est allé tellement vite que je n'ai pas eu le temps de me réjouir de ton arrivée imminente, et cela je le regrette. Je ne dis pas qu'un accouchement peut être plaisant, mais j'aurais voulu vivre ce moment de façon "consciente", en pleine conscience en quelque sorte, là c'était loin d'être le cas. J'étais dans la douleur et seulement dans la douleur. Plus tard, ma soeur médecin me dira qu'en fait j'aurais pu accoucher sans péridurale. Et avec le recul, sur le moment je n'étais plus capable de penser mais avec le recul, je sais qu'au moment où je pensais perdre la maîtrise des événements, en réalité j'avais envie de pousser et mon corps tentait de t'expulser. Je l'ai compris après. Mais à ce moment, l'équipe médicale n'était pas prête. Pour un premier enfant, j'ai eu un accouchement express et l'équipe médicale s'est faite avoir aussi.
Puis, la péridurale a finalement tellement bien agi pour la phase d'expulsion que je ne t'ai pas sentie descendre pendant les poussées. Je le regrette aussi.
Tu es donc née en l'espace de 7 heures à peine ma fille, et encore, si nous n'avions pas attendu après la péridurale et l'ocytocine, tu serais sans doute née en 5h30 ou 6 heures max... à 38 SA + 2, un 23 décembre, presque exactement ce que je redoutais pour toi...